La collectivité ne peut pas exercer son droit de préemption si elle n’a pas de projet réel à réaliser avec l’immeuble mis en vente

Tous les biens immobiliers mis en vente (appartements, maisons, entrepôts, locaux commerciaux…) n'ont pas vocation à être automatiquement préemptés. En effet, les titulaires du droit de préemption oublient souvent que le droit de préemption urbain ne peut être exercé qu'à la condition d'avoir un projet réel à réaliser.

Précisément, l'article L. 210‑1 du code de l'urbanisme précise que le droit de préemption d'une personne publique ou de son mandataire (collectivité locale, établissement public foncier, société publique locale, EPCI…) ne peut être exercé que « en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l'article L. 300‑1 du code de l'urbanisme » à savoir pour des « actions ou opérations d'aménagement [qui] ont pour objets de mettre en œuvre un projet urbain, une politique locale de l'habitat, d'organiser le maintien, l'extension ou l'accueil des activités économiques, de favoriser le développement des loisirs et du tourisme, de réaliser des équipements collectifs ou des locaux de recherche ou d'enseignement supérieur, de lutter contre l'insalubrité et l'habitat indigne ou dangereux, de permettre le renouvellement urbain, de sauvegarder ou de mettre en valeur le patrimoine bâti ou non bâti et les espaces naturels. ».

Le juge administratif contrôle précisément cette condition essentielle de l'exercice du droit de préemption, comme l'illustre un arrêt récent de la Cour administrative d'appel de Marseille du 8 février 2023 (CAA de Marseille, 8 février 2023, n°22MA01627).

Un couple avait signé un compromis de vente pour l'acquisition d'une villa avec jardin dans un quartier résidentiel, mais la commune a décidé de préempter ce bien immobilier pour prétendument y réaliser « un pôle sport et culture » destiné aux enfants et jeunes.

La commune ayant rejeté leur recours administratif, les candidats à l'acquisition ont saisi le tribunal administratif puis la cour administrative d'appel qui ont annulé la décision de préemption, au motif que la commune n'avait pas de réel projet pour cette villa dont elle n'avait pas besoin car elle organisait déjà les activités sportives et culturelles des enfants sur d'autres espaces immobiliers : avocat spécialiste

« La commune … a préempté le bien en question pour " créer un pôle sport et culture qui permettrait aux enfants du groupe scolaire, du centre de loisirs, de la maison des jeunes ainsi qu'aux jeunes de la commune de pratiquer des activités sportives et ludiques, et de profiter également d'un espace consacré à la culture qui serait créé à l'étage de la maison." avocat spécialisé en préemption

► La commune n'avait aucun projet précis pour le bien préempté

La commune fait valoir qu'elle a mis à disposition du centre de loisirs, en 2018, un terrain lui appartenant afin que les enfants puissent y pique‑niquer et faire des activités telles que le tir à l'arc. Cependant, la commune disposait déjà des terrains pour réaliser ce projet, qu'elle a mené à bien et qui ne correspond pas à celui visé par la décision de préemption. La commune fait également valoir qu'elle a créé un emplacement réservé sur une parcelle voisine, de grande taille et non construite, afin d'y réaliser un équipement sportif. Toutefois, le projet visé par la décision de préemption ne porte pas sur la réalisation d'un équipement sportif, mais sur l'acquisition d'une maison individuelle pour l'accueil de jeunes publics. Enfin, la commune ne conteste pas les attestations circonstanciées, versées au dossier, selon lesquelles la maire a déclaré à plusieurs reprises que la commune n'avait aucun projet précis pour le bien préempté. Par suite, si la commune a déclaré l'intention de réaliser le projet visé au point 13, elle ne justifie pas de la réalité de ce dernier à la date de la décision de préemption… avocat

Il résulte de ce qui précède que la [décision de préemption et la décision de rejet du recours gracieux] doivent être annulées. »

La décision de préemption ayant été annulée, les candidats à l'acquisition ont finalement pu acheter la villa et réaliser leur projet immobilier.

Pendre conseil auprès d'un spécialiste et s'engager dans un recours en justice valait donc la peine !

Gilles CAILLET avocat conseille et défend les acquéreurs de maisons et appartements visés par une décision de préemption