Sanction fatale du défaut de consignation par le titulaire du droit de préemption de 15 % de l’estimation des Domaines
La procédure de préemption est particulièrement complexe et ouvre plusieurs moyens de contestation qu'il est indispensable de vérifier, pour le propriétaire vendeur ou l'acquéreur évincé, à chaque étape.
Ainsi, même après avoir rédigé et notifié sa décision de préemption et même après avoir saisi le juge de l'expropriation pour qu'il fixe le prix de préemption (à défaut d'accord du propriétaire sur le prix qu'il a proposé dans sa décision de préemption), le titulaire du droit de préemption n'est pas à l'abri de commettre des erreurs juridiques. avocat
Parmi toutes les étapes complexes de la procédure de préemption figure l'obligation pour le titulaire du droit de préemption de consigner à la Caisse des dépôts et consignation une somme égale à 15 % de l'estimation du service des Domaines (ou avis de la DNID) (article L 213‑4-1 du code de l'urbanisme).
Cette obligation s'impose à la collectivité qui préempte et elle a jusqu'à 3 mois après la saisine du juge de l'expropriation pour en justifier devant lui et pour en informer officiellement le ou les propriétaires vendeurs (article L 213‑4-1 dernier alinéa du code de l'urbanisme).
C'est justement ce qu'a sanctionné la Cour d'appel de Paris dans un arrêt du 15 avril 2021 ou un établissement public foncier avait décidé de préempter plusieurs lots de copropriété d'un immeuble d'habitation mis en vente par un couple de particuliers.
Après avoir rappelé l'obligation de consignation qui s'impose au titulaire du droit de préemption, la Cour d'appel en déduit la sanction fatale pour l'établissement public foncier : avocat spécialiste préemption
« L'article L213‑4 du code de l'urbanisme … dispose que lorsque la juridiction compétente en matière d'expropriation a été saisie [pour fixer un prix de préemption], le titulaire du droit de préemption doit consigner une somme égale à 15 % de l'évaluation faite par le directeur départemental des finances publiques ; la consignation s'opère au seul vu de l'acte par lequel la juridiction a été saisie et de l'évaluation du directeur départemental des finances publiques ; à défaut de notification d'une copie du récépissé de consignation à la juridiction et au propriétaire dans le délai de 3 mois à compter de la saisine de cette juridiction, le titulaire du droit de préemption est réputé avoir renoncé à l'acquisition ou à l'exercice du droit de préemption.
… Cette obligation a été imposée aux collectivités publiques par le législateur afin que celles‑ci attestent de leur capacité financière à préempter et afin d'éviter un usage abusif du droit de préemption. Gilles CAILLET avocat
Seul le juge judiciaire en application de l'article susvisé tel qu'interprété par le Conseil d'Etat (7 janvier 2013, M. Z N°35878) est compétent pour statuer sur les obligations de paiement et de consignation et il ne sort pas de sa compétence dès lors que ce faisant il statue sur les conditions générales de sa saisine et non sur la légalité de la décision de préemption…. avocat spécialisé en préemption
En l'espèce, l'absence de consignation est établie, puisque … le [titulaire du droit de préemption] n'a pas justifié de la consignation conformément à l'article L. 213‑4-1 du code de l'urbanisme, … l'absence de consignation est réputée par la loi constituer une renonciation à l'exercice du droit de préemption, cette déchéance du droit d'agir établie par les textes constitue une fin de non‑recevoir qui peut être soulevée pour la première fois en appel... Avocat spécialiste de la préemption
► L'absence de consignation est établie. Le titulaire est donc déchu de son droit de préemption
Cette fin de non‑recevoir doit être relevée d'office, lorsque la collectivité publique est réputée avoir renoncé à l'acquisition ou à l'exercice du droit de préemption par la suite d'un délai impératif ou d'une formalité prescrite à peine d'une telle sanction, comme en l'espèce les dispositions l'article L213‑4-1 du code de l'urbanisme, qui est une formalité substantielle à peine de déchéance ; le juge judiciaire est en effet compétent pour contrôler la régularité des actes administratifs individuels de préemption, notamment au regard des délais dans lesquels ils doivent être exercés, et des personnes auxquelles les notifications doivent être faites et la sanction du défaut de consignation et du défaut de notification du récépissé est que le titulaire du droit de préemption est réputé avoir renoncé à l'acquisition ou à l'exercice de ce droit ; selon l'article L. 213‑4-1 susvisé tel qu'interprété par la cour de cassation (civ 3e, 9 mai 2012 N°11- 12551 commune de Quetigny), cette présomption, même résultant du simple défaut de notification du récépissé de consignation dans le délai prévu du bien préempté, est irréfragable ;
la non justification par l'EPF de la consignation obligatoire et de la notification de la copie du récépissé de consignation aux époux X entraîne l'impossibilité de poursuivre l'exercice de la préemption et [le titulaire] est donc déchu de son droit de préemption… Gilles CAILLET avocat préemption
En conséquence, en application de l'article L 213‑4-1 du code de l'urbanisme, il convient d'office, de dire qu'à défaut de notification d'une copie du récépissé de consignation à la juridiction et au propriétaire… dans le délai de trois mois à compter de la saisine de cette juridiction, le titulaire du droit de préemption, soit en l'espèce, [l'établissement public foncier] est réputé avoir renoncé à l'acquisition ou à l'exercice du droit de préemption. »
Ainsi, à défaut de justifier de la consignation, la personne publique a automatiquement renoncé à exercer son droit de préemption (déchéance du droit de préemption) et ne pourra pas acquérir le bien mis en vente.
Pour sa part, le propriétaire a recouvré sa liberté de poursuivre sa vente au prix qu'il avait mentionné dans sa déclaration d'intention d'aliéner (DIA) (cour de cassation, 3e ch civ, 10 octobre 2012, pourvoi n°11‑15473).
Gilles CAILLET avocat conseille et défend les propriétaires et acquéreurs confrontés à des préemptions irrégulières