L’acquéreur évincé peut contester la décision de préemption dans un délai d’un an si la notification ne mentionne pas les voies et délais de recours

Date : Publié par Tags : , , , , , , , ,

Depuis l’entrée en vigueur de la loi ALUR du 24 mars 2014, l’article L. 213‑2 du code de l’urbanisme impose que les décisions de préemption soient notifiées au vendeur, au notaire et, le cas échéant, au candidat à l’acquisition du bien préempté mentionné dans la déclaration d‘intention d’aliéner : préemption avocat
« La décision [de préemption] est notifiée au vendeur, au notaire et, le cas échéant, à la personne mentionnée dans la déclaration d'intention d'aliéner qui avait l'intention d'acquérir le bien. »

L’acquéreur évincé a parfaitement le droit de contester devant le juge administratif la décision de préemption, mais parfois la notification ne précise pas dans quel délai.

Par principe, une décision de préemption ne peut être contestée que dans un délai de deux mois à compter de sa notification (article R. 421‑1 du code de justice administrative).

Toutefois, l’article R. 421‑5 du code de justice administrative prévoit que « Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ».

Par son arrêt de principe du 16 juillet 2016 (n°387763), le Conseil d’Etat est venu préciser qu’une décision ne mentionnant pas les voies et délais de recours ne pouvait être contestée que dans un délai raisonnable, fixé en principe à un an, à compter du jour où l’intéressé en a eu connaissance :
avocat préemption
« Le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui‑ci a eu connaissance ; qu'en une telle hypothèse, si le non‑respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au‑delà d'un délai raisonnable ; qu'en règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l'exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance » (Conseil d’Etat, 16 juillet 2016 n°387763).

Par un nouvel arrêt du 16 décembre 2019, le Conseil d’Etat confirme cette solution en matière de contestation des décisions de préemption et rappelle que l’absence de notification, à l’acquéreur évincé, d’une décision de préemption mentionnant les voies et délais de recours, fait obstacle à ce que ces délais lui soient opposable.

► En cas d'insuffisance de la notification, l’acquéreur évincé ne peut contester la décision de préemption que dans un délai raisonnable maximum d’un an


En revanche, le Conseil d’Etat précise que l’acquéreur évincé ne peut contester la décision de préemption que dans un délai raisonnable d’un an à compter du jour où il doit être regardé comme en ayant eu connaissance :

« En l’espèce, la cour administrative d’appel de Versailles a souverainement constaté que si M. et Mme D... n’avaient pas reçu notification de la décision de préemption du 24 septembre 2008, ils avaient toutefois demandé à la commune de Montreuil des informations sur l’état d’avancement du projet pour lequel le droit de préemption avait été exercé, par une lettre du 18 mars 2013 à laquelle était jointe une copie intégrale de la décision de préemption ne mentionnant pas les voies et les délais de recours. Il résulte de ce qui a été dit aux points précédents que la cour n’a pas commis d’erreur de droit en jugeant que, si le délai de recours de deux mois mentionné au premier alinéa de l’article R. 421‑1 du code de justice administrative n’était pas opposable à M. et Mme D..., la lettre du 18 mars 2013 était en revanche de nature à établir qu’à cette dernière date ils avaient connaissance de la décision de préemption, pour en déduire que leur recours, enregistré au tribunal administratif de Montreuil le 17 avril 2015, était tardif pour avoir été présenté au‑delà du délai raisonnable dans lequel il pouvait être exercé, un tel délai étant opposable à l’acquéreur évincé par une décision de préemption, sans qu’il soit ce faisant porté atteinte au droit au recours. La seule circonstance que la commune de Montreuil n’ait pas répondu à leur demande postérieure d’information sur les dispositions prises pour mettre en œuvre le projet de construction n’étant pas susceptible de constituer une circonstance particulière de nature à faire obstacle à ce que leur recours soit regardé comme présenté au‑delà du délai raisonnable, la cour n’a ni insuffisamment motivé son arrêt ni commis d’erreur de droit en ne se prononçant pas explicitement sur ce point. ». (Conseil d’Etat, 16 décembre 2019, req. n°419220).

Ainsi, même s'ils recoivent une notification incomplète, les candidats à l’acquisition d’un bien préempté doivent veiller à contester la décision de préemption dans le délai d’un an à compter du jour où ils en ont eu connaissance.